Erevent – Dragons

Dragon bleu Morglas
Dragons par Armel Le Sec'h

(version en français plus bas)

ez eus anezho abaoe pelloc’h eget mil bloaz e-barzh hon ilizoù, o stardañ en o geolioù an treustoù bras, pe dindan stumm gargoulioù, pe dalc’het gant stol sant Paol Aorelian, pe sant Armel.

Er memes amzer, e skriv pe adskriv ar venec’h istor ar c’hantvedoù divrud o deus gwelet Breizhiz Breizh Veur o tilestrañ war hon aodoù

Gant ar venec’h-se, o klask plijout d’o abaded, ez eo bet disteraet plas ar maouezed er mareoù mojennel-se. Er gumuniezhoù keltieg, ur plas a-bouezh a oa gant ar merc’hed, hervezh ar pezh a ouzomp. Ur plas e-barzh an aferioù politikel, relijiel ha zoken er brezelioù. Tost-tre deomp, e Kernev-Veur, ez eo chomet niverus-tre ar santezed.

Iliz Roma ne blij ket dezhi ar maouezed. Evit Roma eta, ez eo ar merc’hed an Droug war an douar. N’o deus ket a ene zoken. Bez’ e c’hell Grallon ha Gwenole skeiñ Dahud er mor hep kudenn ebet.  Pennkaoz  e oa  HI eus an holl gwalleurioù.

Daoust hag e c’hellfe an aerevent (evel ar morganezed hag ar gwivred) bezañ un arouez, e spered tud an hen-Grennamzer, hini galloud ar maouezed hag a gendalc’h da lakaad diaes ar pennoù relijiel a-hed ar c’hantvedoù ?

armel difaziet gant Paolig Combot.

DRAGONS

Peter Tremayne, de son vrai nom Berresford, a reçu en 1988, l’« Irish Post Award » pour son importante contribution à l’étude de l’Histoire de l’Irlande.

Un de ses livres, le « Concile des Maudits », une enquête de son héroïne « Fidelma »,   raconte l’histoire romancée du Concile d’Autun vers l’an 670.

Il précise en « Note historique » :

« Le Pape Urbain II renforça le célibat (des religieux) par un décret et aussi par la force. Alors qu’il assistait à un Concile à Reims, il félicita l’archevêque de cette ville d’avoir fait enlever toutes les femmes des religieux et de les avoir vendues comme esclaves. Nombreuses furent celles qui choisirent le suicide plutôt que la servitude….»

Au début du Christianisme, la place des femmes est importante. Elles ont largement contribué à sa diffusion. Mais petit à petit l’influence de  Paul de Tarse, en particulier, et de la pensée romaine, établit la suprématie exclusive du genre masculin. L’Eglise de Rome, semble-t-il, reprend les coutumes des anciens romains. Elle continue d’accepter l’usage des esclaves par exemple, et la place des femmes reste aussi marginale que dans l’Antiquité.

Par contre, en pays celtiques, le pouvoir politique et religieux des femmes est avéré. Une lutte d’influence s’ensuit entre Rome et les Eglises Celtiques et surtout l’Eglise Irlandaise où les femmes tiennent une place particulièrement importante, aussi bien dans les domaines politiques, que religieux et juridiques.

Derrière le conflit sur la date de Pâques, se cache celui de la place des femmes chassées des « monastères doubles », chassées du rituel de la messe en tant qu’impures … Il se dit même qu‘elles n’ont pas d’âme. Malheureusement pour l’Humanité pendant plus de 10 siècles, les Saxons et les Francs pourtant évangélisés par les irlandais se rallient à Rome et font pencher la balance. Au cours de nombreux conciles et synodes, ils vont gagner cette guerre politique essentielle.

Plusieurs « indices » soutiennent l’idée qu’il s’agit de supprimer le sexe « faible » de l’Eglise comme du pouvoir politique, et peu importent les prétextes. En Bretagne, une « légende » raconte que les immigrants venus de Grande Bretagne coupent la langue des femmes d’Armorique, pour éviter qu’elles ne transmettent leur idiome « barbare » à leurs enfants.

Un autre indice est la lutte entre Saint Ronan et la Kebenn à Locronan. Sorcière, prêtresse ou chef de village envahi ?

Dahud jetée à la mer, à cause de sa mauvaise conduite, par son propre père, sur le conseil de l’Evèque Gwenole, après l’immersion de la ville d’Ys. Le symbole est puissant !

C’est une des énigmes de notre Histoire :nous avons les mêmes Saints que la Cornouaille Britannique. Mais où sont passées les Saintes, si nombreuses de l’autre coté de la mer, Morwenna, Bryluen, Elowen, Kelyn, Twin.  Beaucoup d’entre elles, comme les Saints ont traversé la mer. Certaines, mais peu d’entre elles en vérité, sont honorées aussi en Bretagne : Nonn par exemple, Nenneg ou Ninnoca avait un monastère près de Ploemeur, Peizhen ou Pazanne, soeur de Gildas, en Pays nantais….

Une autre enigme : nous avons beaucoup de dragons, dans les églises : Au bout des poutres, la gueule grand ouverte, en gargouilles, ou auprès des Saints qui les « terrassent » : Ils les tiennent en laisse ou le cou serré dans leur étole mais sans les tuer ni les faire disparaître. (St Pol de Léon, St Armel) On sent même qu’ils gardent une certaine tendresse à leur égard.…

Les dragons symbolisent, pour beaucoup, les croyances de notre peuple aux anciens Dieux et Déesses qui sont les forces de la terre. Les Saints les auraient « terrassés », ou plutôt, à bien lire les « images », tenus bien en main.

Plus tard, ils vont symboliser le mal et les passions humaines, comme le serpent du jardin d’Eden, celui de Saint Michel ou celui qui se trouve sous les pieds de la Vierge Marie. Mais comment pourraient-ils, alors, soutenir les  murs des églises?

Il semble donc que les façons de penser des humains perdurent alors même que le dogme de l’Eglise est un peu différent. Un exemple : l’usage d’orienter les tombes vers l’ouest pour que les défunts puissent aller au paradis. Ce qui se réfère à un paradis celtique ancien, le Tir Na Nog, qui se trouvait dans les îles « bienheureuses », sans rapport avec le paradis de l’Eglise romaine. Et tant d’autres exemples…

Les dragons symboliseraient donc les Forces de la Terre, très respectées encore par les bâtisseurs d’églises (pensons au dragon rouge et au dragon blanc qui se battaient sous la tour d’Uter Penndragon).

A force de peindre des dragons, il m’est venu une idée : pourraient-ils symboliser aussi et en même temps, la puissance et l’imagination des femmes qui sont, pour l’église,  le « mal », les passions certes, mais aussi la maternité dont on ne peut se passer? On remarque en effet que les dragons représentés partout ne sont pas massacrés ! (Saint Michel, par contre, plus tard, va attaquer le dragon avec sa fourche.)

En copiant les manuscrits et retraçant nos origines, les moines peuvent avoir « corrigé » l’histoire de notre immigration en Armorique, supprimant les nombreuses « Saintes ». Leur mémoire a subsisté en Cornouaille Britannique, moins dominée sans doute par le pouvoir ecclésiastique romain. Elle garde le souvenir de nos saintes.

Elles étaient, sans doute, comme les saints, des chefs de guerre. Elles ont pris part à l’organisation de la grande immigration du VI° siècle. L’Eglise les a-t-elle rayées de la carte ? a-t-elle changé le sexe de certaines de ces héroïnes ? A-t-elle séparé les couples qui avaient créé ces monastères « doubles », les « conhospitae », habituels dans les Pays celtes, où cohabitaient hommes, femmes et enfants ?

Efflam et Enora, irlandais, étaient mariés, bien que moine et moniale, mais Efflam, d’après les écrits qui nous sont parvenus des moines, 5 ou 6 siècles après, ne devait absolument pas « consommer » son mariage pour rester pur et conforme à leur idée de la vie monacale.. S’ensuit une histoire abracadabrantesque que nous avons du mal à croire. Enora y perd même son nom celtique.

« Koll-he-anv », « Celle-qui-a-perdu-son-nom » c’est le nom que la légende a donné à une petite sainte de Bretagne. Minuscule et unique mémoire d’un massacre culturel?

Les Dragons symboliseraient-ils le pouvoir créatif que l’Histoire a refusé aux femmes pendant plus de 10 siècles? Hommes et Femmes de Bretagne nous en avons été appauvris.